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Les dégâts sont importants (Photo d'archives) |
Près de deux mois après la fin des pluies, les dégâts demeurent toujours importants : rizières emportées, maisons détruites, routes défoncées…
Les dernières pluies diluviennes qui, dans la première semaine de Juin, se sont abattues des jours durant sur la région des grands ponts, ont produit sur le département de Grand-Lahou un effet dévastateur. Le chef-lieu de département ainsi que ceux des trois sous-préfectures, Bacanda, Ahouanou et Ebounou, les villages et campements auxquels s'ajoutent les routes ont été très inondés par endroits. Les eaux qui montaient dans certains sites à plus de trois mètres de hauteur ont fait de milliers de sans-abri. La plupart de ces sinistrés ont été recasés dans des familles à Grand-Lahou. Mais, il convient de noter que ces inondations qui ont causé d'énormes dégâts à la fois humains et matériels, n’ont, en vérité fait qu’empirer la situation d'enclavement de ce département. Deux morts — des routes et pistes quasiment impraticables — deux chefs-lieux de sous-préfecture coupés du chef-lieu de département pour raison de dégradation avancée des voies d'accès — des centaines de maisons effondrées —des villages entiers et sites touristiques menacés de disparition du fait de l'érosion marine, des milliers de plantations vivrières et autres fermes inondés et détruits... Tel est le tableau sombre qu'il nous a été donné de constater à travers une visite de terrain qui a duré quatre jours. A cela s'ajoute l'occupation anarchique, clandestine et illégale des forêts classées du Gôh et même du Parc d'Azagny par de fortes populations qui y ont bâti des campements, voire des villages entiers.
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C'est par la voie reliant le département à la sous-préfecture de Bacanda que commence notre périple dans la région. Cette voie est longue de 72 kilomètres. Nous n'avons pas pu aller au terme de ce voyage en raison de l'état défectueux et tout à fait impraticable de cette voie, la seule qui relie Grand Lahou à Bacanda. Ce tronçon de route non bitumée, s'ouvre à droite, à un peu plus d'un Idlomètre du corridor qui est l'entrée principale de la ville de Grand-Lahou, sur celui allant à Fresco et San-Pedro. La route de Bacanda que l'on emprunte à partir du carrefour « Kassoumdougou » traverse plusieurs campements et villages baoulés et allogènes.
Assemblage de plusieurs communautés ivoiriennes et étrangères
A ce propos, il est important de lever une équivoque. En effet, si la région de Grand-Lahou est considérée comme étant le « pays » des avikam, force est de reconnaître que la réalité est tout autre. Car, Grand-Lahou, est un assemblage de plusieurs communautés ivoiriennes et étrangères vivant en parfaite symbiose dans les villes, les villages et campements. Et c'est cette mosaïque d'ethnies qui fait face aux dures réalités qu'imposent les revers de la nature nés en grande partie de la situation géographique de la région.
Comme nous l'indiquions plus haut, les dernières pluies diluviennes ont véritablement aggravé la situation de précarité de la région. A titre d'exemple, la route reliant Grand-Lahou à la ville de Bacanda. Une route défoncée, parsemée de nids-de-poule et de flaques d'eau par endroits. Des difficultés auxquelles nous nous attendions mais que nous avions accepté d'affronter. Un peu plus de 30 minutes. C'est le temps que nous avons mis pour parcourir 9 Km de piste avant d’atteindre le premier gros campement inscrit sur la liste des sinistres.Il s'agit de N'Gorankro, campement baoulé où personne ne s'attendait à notre visite.
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La misère saute aux yeux avec les effets visibles des pluies diluviennes
Dans cette bourgade au relief très accidenté, la misère saute aux yeux avec les effets visibles des dernières pluies. L'on aperçoit en effet, des maisons détruites qui en rajoutent à l'état piteux du campement, disons, du village, puisque pour ces habitants, il s'agit d'un village. Un rapide décompte établit qu'au moins, une dizaine de maisons toutes construites en banco sont affaissées ou complètement écroulées. Koko Kouamé, octogénaire et chef de N'Gorankro, est à la fois triste et amer lorsqu'il parle des dégâts survenus dans son village. « Toutes nos plantations "d'ignames, de maïs, de bananes, etc. ont été détruites par les inondations. Pire, les puits et marigots dont nous nous servons ont été contaminés par les eaux sales qui ont inondé notre village et nos plantations », se désole-t-il. Le vieux Koko Kouamé, assisté de quelques dignitaires de son village dont N'Guessan Kouamé, notable, N'Guessan Adjoua, présidente des femmes et Konan Sébastien, président des jeunes, dit que son village est doté d'une ecolepriinaire publique de six classes ainsi que d'une pompe villageoise, malheureusement en panne. « Notre plus grande préoccupation est celle de l'état défectueux de la route. Pendant au moins trois semaines, nous étions coupés du reste du monde parce qu'aucun véhicule ne pouvait accéder à notre village », fait-il savoir. De N`Gorankro, on se rend à Kouamekro un autre campement baoulé, toujours dans le sens Grand-Lahou — Bacanda.
La « côte rouge », un autre obstacle majeur Mais pour y arriver, nous avons surmonté un autre obstacle majeur. Il s'agit de la « côte rouge ». Une partie de la route baptisée ainsi à cause de la couleur rouge du sol argileux qui couvre toute une colline qui s'étend sur près de 300 mètres. Comme indiqué par nos guides et comme nous l'avons senti aisément, cette colline sera pratiquement infranchissable par tout véhicule à la moindre pluie qui tombe. C'est avec beaucoup de frisson et de frayeur que nous traversons cette voie très glissante. Avec le même état d'esprit, nous avons franchi également l'obstacle suivant qui n'est autre qu'un pont précaire. Ce pont est constitué de troncs d'arbre dont les bouts ne semblent pas être bien introduits danS le sol. Postés aux abords de la route, nos guides et nous, avons par des cris et de grands gestes de la main, guidé le conducteur du véhicule qui, avec dextérité et surtout, beaucoup de chance va réussir la traversée de ce pont rudimentaire. Poursuivant notre chemin, nous parvenons à l'intersection de ce qui est considéré comme la route principale et d'une piste menant à Oulaïdon, un campement créé par un allochtone guéré. Mais, malheureusement, nous ne verrons pas ce village. Car, Pirate, un de nos guides, nous a déconseillé d'emprunter cette route. La raison ? Le pont de fortune qui relie Oulaïdon que l'on présente comme un gros village de plus de 2000 âmes aurait été emporté par les dernières pluies. Continuant donc tout droit, nous atteignons N'Guessankro, un autre gros campement baoulé, qui, lui est bâti en pleine forêt classée du Gôh.
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N'Guessankro et bien d'autres villages bâtis en pleine forêt classée du Gôh
Situé sur un site très accidenté, avec des maisons haut perchées sur des collines comme on le voit à Mossikro à Abidjan dans la commune d'Attécoubé, N'Guessankro, à l'instar de tous les autres villages ou campements se trouvant dans cette forêt classée, ne dispose d'aucune habitation en dure. Ce village a pour chef, Konan Djaha, 80 ans, père de 6 enfants. Il n'existe, dans ce village d'une population estimée à plus de 1000 âmes, aucune infrastructure de développement. Pas d'école, ni-de centre de santé, encore moins de l'électricité et d'eau potable. Les habitants de N'Guessankro comme tous ceux des autres contrées de la région, vivent des cultures vivrières et tirent leurs revenus de la production du café et du cacao. S'agissant des dégâts causés par les pluies, N'Guessankro a perdu plusieurs maisons affaissées ou effondrées. On y a frôlé le pire. En effet des murs seraient tombés sur deux jeunes gens : Koffi Tanoh Denis, 33 ans et N'Guessan Brou Emile 31 ans sont considérés comme de véritables miraculés. Mais, à N'Guessankro, comme nous le confieront le chef et ses notables, l'on a d'autres soucis que ceux des pluies diluviennes. « Nous sommes ici en pleine forêt classée et nous sommes régulièrement menacés d'expulsion par la Sodefor (Société de développement des forêts). Installés depuis plusieurs années par l’ancien maire de Grand-Lahou, Usher Assouan, qui avait eu l’autorisation du Président Houphouët-Boigny, mais nous y avons tous nos biens et nous ne savons pas où aller aujourd’hui. Mais comme nous ne pouvons pas nous opposer à la loi, nous demandons que le gouvernement se penche sur notre situation en nous trouvant un autre site de recasement », implore le vieux Konan Djaha.
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Un marécage coupe Bacanda du reste du département
Toujours en route pour Bacanda, nous traversons sans y arriver en raison de la route impraticable, le campement Amanikro, lui aussi devenu un gros village dans la forêt classée. Et c’est à environ 15 Km de N’Guessankro que notre voyage sur Bacanda va malheureusement s’arrêter. Et pour cause, plus d’un mois après les pluies diluviennes, ce tronçon de route est toujours inondé. L’eau monte jusqu’à plus d’un mètre de hauteur. Ironie du sort, avec des pirogues au moment de la montée des eaux, la traversée de cette distance se faisait moyennant un tarif de 300 Fcfa par passage. Ne pouvant plus continuer avec notre véhicule, notre voyage s’est arrêté à ce dernier obstacle devenu infranchissable.
Fraternité Matin/ LANDRY KOHON
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