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jeudi 4 septembre 2014

Affi N’Guessan parle :« C'est ridicule de penser qu'on peut tourner la page Gbagbo »

Le 4 juillet 2014, par la décision n° 005-2014/pp/FPI, le président du Front populaire ivoirien (FPI), a rendu publique la composition de la nouvelle direction du parti à la rose. Une décision qui a fait des mécontents qui n'ont pas hésité à le faire savoir. Alors que son organisation était encore dans la tourmente, Pascal Affi N’Guessan n'a pas hésité à nommer un représentant du FPI à la nouvelle Commission Electorale Indépendante (CEI). Il n'en fallait pas plus pour déclencher le courroux de ses adversaires internes. Ainsi, Affi a-t-il été couvert de tous les péchés d'Israël.
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Plusieurs fois sollicité par votre quotidien préféré, le leader du FPI a toujours voulu réserver la primeur de sa version des faits aux structures de son parti qu'il n'a eu de cesse de rencontrer ces dernières semaines. Aujourd'hui, actualité oblige, au terme de ses échanges avec toutes les instances de son organisation, le président Affi a accepté de nous faire partager ses commentaires et analyses de la situation.
Interview (1ère partie)
Notre Voie : Monsieur le président, le siège provisoire de votre parti a été attaqué et saccagé le lundi 1" septembre dernier, 48 heures seulement après le Comité Central, très houleux du samedi 30 août. Y a-t-il un lien entre ces deux événements ?
Pascal Affi Nguessan : Seule l'enquête de police nous situera et situera l'opi­nion sur les mobiles et les auteurs de cette barbarie. Pour l'heure, je voudrais condamner avec la dernière énergie cette agression contre un parti politique qui a fait de la transition pacifique à la démocratie, de la non-violence, son credo. Je vou­drais     adresser    ma compassion au député Kouakou Krah, mon chef de cabinet adjoint, qui a échappé à un assassinat, et aux secrétaires du siège qui ont subi de graves violences. Je voudrais rassurer les mi­litantes et les militants du FPI que le siège est toujours ou­vert, après les constats de police, et que tout sera mis en œuvre pour qu'il de­vienne davantage fonction­nel.
N.V :Quels enseigne­ments tirez-vous de ce co­mité central qui n'a d'ailleurs pas tranché la question de la CEI ?
P.A.N : La passion que sus­cite la question électorale auprès de nos militants, et la nécessité, en conséquence, de l'aborder avec beaucoup d'ouverture d'esprit et de sens des responsabilités nous interpellent. L'avenir immédiat du pays en dé­pend.
N.V :Le juillet dernier vous avez pris une déci­sion de réaménagement du secrétariat général. Il s'en est suivi, une crise qui a secoué votre parti. Avec du recul, quelle ana­lyse faites-vous par rap­port à l'opportunité de cette décision ?
P.A.N : Cette crise ne peut se comprendre que par rap­port au contexte. Sinon, la décision de réaménager une équipe est une décision qui relève habituellement des prérogatives d'un président. Une équipe est au service d'un objectif ; au service d'une mission. Au fil du temps il peut s'avérer néces­saire de procéder à des ré­aménagements pour tenir compte de l'évolution des choses. C'est ce qui se fait dans toutes les organisa­tions. S'il y a eu cette situa­tion au FPI, c'est parce qu'il y a un contexte particulier que traverse le FPI depuis le 11 avril 2011. Du chaos du 11 avril 2011 émergent et tentent de s'imposer d'autres catégories de légitimité au détriment de celle issue des textes, de la légalité et des valeurs fondatrices du parti: celle issue de « l'histoire ré­cente », de l'actualité du 11 avril ; celle issue de l'histoire du parti ; celle liée aux affini­tés particulières avec Lau­rent Gbagbo. Cela explique ces réactions que nous avons enregistrées et qui nous ont obligés à engager un processus de médiation pour trouver un compromis pour nous permettre d'avan­cer et de créer les conditions de la stabilité définitive du parti.
N.V : Etes-vous satisfaits des résultats de la média­tion ?
P.A.N : Globalement satisfait, dans la mesure où le secrétariat général qui sort de la médiation n'est pas totale­ment différent de ce que j'ai proposé. Les grandes priori­tés que je m'étais fixées dans la composition de cette nouvelle équipe ont été pré­servées. Le parti a été ébranlé, mais n'a pas cédé. Cela a été un test positif de solidité. Je pense avoir un appareil qui peut me permet­tre de préparer les défis fu­turs avec efficacité.
N.V. : Vous avez été quand même obligés de réinté­grer ceux qui avaient été sortis de l'équipe.
P.A.N : C'était la concession à faire au nom de la paix et de la cohésion interne.
N.V : Et pourtant l'opinion, de façon générale, et quasiment toute la presse ont vu dans les conclusions de la médiation une défaite d’Affi…
P.A.N Je ne mène pas un combat personnel ; mais le combat pour le renforcement du FPI en vue des grandes batailles qui nous attendent dont celle de la libération du président Laurent Gbagbo. Si ma « défaite » peut contri­buer à cet objectif et au ren­forcement du FPI, tant mieux.
N.V : Quelle urgence y avait-il concrètement à procéder à ce réaménage­ment ?
P.A.N : C'est l'urgence de la restauration du FPI, l'ur­gence de la libération du pré­sident Laurent Gbagbo. Il faut savoir qu'il y a beaucoup de nos camarades qui sont encore en prison ; que cela va faire bientôt quatre ans que des camarades sont en exil : qu'il y a eu la confirma­tion des charges contre le Président Laurent Gbagbo ; qu'on s'achemine vers un procès. Il faut faire vite, ne pas perdre de temps. Ce Se­crétariat Général nous dote d'une vice-présidence char­gée de coordonner les ac­tions pour la libération du président Gbagbo. Aujourd’hui, il est urgent de faire rapidement le bilan de tout ce que nous avons engagé depuis 2011, en terme d’actions pour la libération du président Gbagbo, afin d’identifier et de mettre en place une stratégie pertinente pour la suite du dossier.
N.V.:Vous parlez de libé­ration du président Gbagbo, pourtant vos ad­versaires vous accusent de vouloir tourner la page Gbagbo !
P.A.N : Ce sont des mes­sages d'intoxication dont le seul motif réside dans la lutte de positionnement que j'ai évoquée plus haut. Sinon aucun fait ne peut accréditer cette thèse ni avant la crise ni après ma sortie de prison. Au demeurant, je peux dire que la question de la libéra­tion du président Gbagbo a connu une intensité supplé­mentaire avec toutes les tournées que j'ai effectuées à l'intérieur du pays.
Tournée de Affi NGuessan P
  Le président Affi Nguessan lors d'une tournée

Partout, les populations ont eu l'occa­sion d'exprimer à haute voix leur attachement à Laurent Gbagbo et ont réclamé sa li­bération. La question Gbagbo n'avait pas l'am­pleur actuelle dans l'opinion. Les films de mes meetings et autres sorties sont là. J'ai demandé qu'une compilation de ces films soit à la disposi­tion de tous ceux qui souhai­teraient en savoir davantage.
N.V : comment expliquez-vous alors ces accusations ?
P. A. N : Stratégie de disqualification, lutte de positionnement, combat de leadership.
N.V. : Le limogeage de personnalités comme Laurent Akoun du poste de secrétaire et le dépouillement du portefeuille de vice-président de Simone Gbagbo ne constituaient-ils pas un gros risque ?
P.A.N : Le problème est de savoir si le FPI a besoin de réformes ou pas. S'agissant de Simone Gbagbo, c'est moi-même qui l'ai proposée. Elle n'était pas dans le se­crétariat général d'avant ma sortie de prison. Je l'ai fait pour donner un message po­litique. Pour dire que Simone Gbagbo n'est pas en prison à Odiénné uniquement en tant que Simone Gbagbo ou en tant qu'épouse du prési­dent Laurent Gbagbo, mais surtout en tant que militante ; en tant que responsable politique du FPI. Elle est donc détenue en tant que prisonnier politique. Voilà le message que je voulais faire passer en l'intégrant dans la direction du parti dès ma sor­tie de prison. Mais en même temps, j'ai dû affecter ses at­tributions à deux autres vice-présidents qui les ont assumées par intérim. Quand il a fallu refaire le se­crétariat général, j'ai jugé qu'il était plus simple de confier directement les attri­butions de Simone à d'au­tres personnes et de la maintenir en tant que vice-présidente, puisqu'elle ne pouvait pas exercer ces res­ponsabilités. Dans la situa­tion actuelle, c'est son statut symbolique de personnalité politique qui est important, et non le contenu du porte­feuille. Les camarades ont estimé qu'il fallait mettre un contenu, on l'a fait.
N.V. : Comment avez-vous apprécié la réaction de la Première Dame qui a saisi le comité de contrôle à cet effet ?
P. A. N : Je préfère ne pas m’étendre sur la question puisque la crise est passée.
N. V. : Comme illustration des accusations, vos adversaires évoquent la célébration de la fête de la liberté à Bongouanou où la ville aurait été inondée de vos posters à l’exclusion de ceux du président Gbagbo…
P.A.N : C'est ridicule et affli­geant de penser que c'est avec des posters ou des af­fiches qu'on peut tourner la page Gbagbo. Gbagbo ce n'est même pas une page, c'est un livre. Et ce livre d'ac­tions politiques et de contri­butions à l'histoire de la Côte d'Ivoire, c'est dans la conscience des Ivoiriens que ces données se trouvent, mais surtout dans le cœur de ceux qui l'ont suivi dans son combat. Ce ne sont pas dix posters disposés, ou même mille, dans un coin perdu de la Côte d'Ivoire qui vont per­mettre de tourner la page Gbagbo. Au demeurant, je n'étais pas le président du comité d'organisation de la fête de la liberté. Ce que j'ai observé pour ma part, c'est que la fête de la liberté à Bongouanou a été une occa­sion pour le peuple du FPI, à travers les pancartes venues de toutes les contrées du pays, de témoigner son sou­tien et son affection au prési­dent Gbagbo. Donc Laurent Gbagbo était bel et bien pré­sent à la fête de la liberté de Bongouanou.
fete de la liberté à bougouanou
Le Président Affi et Koua Justin lors de la fète de la liberté à Bongouanou
N.V. : Monsieur le prési­dent, il y a aussi cette phrase d'un chef de M'Batto qui vous a prédit un destin présidentiel qui alimente les polémiques.
P.A.N: Les Ivoiriens sont libres d’apprécier les hommes politiques comme ils l’entendent. Je ne vois pas le drame qu’il y a à ce qu’un chef de village prête un destin à X ou Y. en quoi cette opinion peut-elle constituer une menace pour l’image de Gbagbo ? Il ne faut pas être paranoïaque. Gbagbo n’a pas besoin de ça.
N.V : D'aucuns parlent de règlement de compte à Laurent Gbagbo, parce que vous n'auriez pas di­géré votre limogeage de la Primature...
P.A.N : Là encore, il n'y a aucun élément qui puisse accréditer cette thèse. Mon départ de la Primature date de 2003. Cela fait plus de dix ans. Au contraire, depuis cette date, je n'ai fait que tra­vailler aux côtés du président Gbagbo. Pour la campagne électorale 2010, il m'a choisi comme son porte-parole. S'il y avait un contentieux, il ne l'aurait pas fait. Avant cela, à tous les moments impor­tants, j'ai été aux côtés du président Gbagbo. Aux né­gociations d'Accra III. Je l'ai représenté aux négociations d'Accra II. Au plus fort de la crise, c'est moi que le prési­dent Gbagbo a choisi pour le représenter à Addis-Abeba pour les conclusions du Panel des chefs d'Etat afri­cains sur la crise postélecto­rale. Après Addis-Abeba, il m'a envoyé en Afrique du sud pour rencontrer le prési­dent Zuma pour avoir l'opi­nion de l'Afrique du Sud sur l'issue de la crise ; il m'a en­voyé en Guinée-Equatoriale auprès du président Obiang Nguema. Ce sont là des actes qui prouvent que mes rapports avec le président Gbagbo étaient des rapports de confiance. C'est ce que je retiens. Tout autre propos n'est que mensonger et diffamatoire.
N. V. : Que la plupart de vos décisions soient peu comprises ou suscitent des mécontentements, n’est-ce pas la preuve que quelque part vous avez péché dans la méthode ?
P.A.N : La mise en place du Secrétariat Général a suscité des réactions diverses et des mécontentements de la part de ceux qui se sont sen­tis défavorisés ou dévalori­sés. L'évolution du parti l'exigeait. Diriger, c'est aussi prendre des risques.
N.V.: Les questions de stratégie et de légitimé ont été à l'ordre du jour du co­mité central du 30 août.N'était-ce pas une façon de faire le Congrès avant le Congrès ?
P.A.N :Il appartient au co­mité central de savoir jusqu'où il va dans ce débat. Il est évident que le débat de fond revient au congrès qui doit trancher sur la question de la ligne et peut-être sur les autres questions. La ligne est connue. Elle ne change pas au gré des événements. Nous avons fait le choix de la transition pacifique à la dé­mocratie. Il est peu probable que même le congrès décide d'une autre ligne. Par contre sur la stratégie, je pense que le comité central peut être in­formé de ce que fait la direc­tion et apprécier cette stratégie ou faire des recom­mandations par rapport à cette stratégie.
N.V: Pensez-vous que la crise née depuis le 4 juillet est derrière nous ?
P.A.N : Oui, on peut consi­dérer que la crise est der­rière nous après la médiation. Maintenant il s'agit de gérer les conclu­sions qui sont ressorties de cette médiation.
N.V : On a quand même senti une sorte de doublon avec le rapport du comité de contrôle qui vous acca­ble. Peut-on savoir les re­lations que vous avez eues avec cette instance pen­dant la crise ?
P.A.N :Le comité de contrôle a été associé à toutes les étapes de la mé­diation. Il a donné son ac­cord à ce que la crise soit gérée dans ce cadre de conciliation. Donc, nous avions les quatre acteurs : les pétitionnaires, le comité de contrôle, la médiation et le président du parti. Nous avons tous accepté qu'étant donné la tournure que les événements avaient prise et les initiatives qui sont venues spontanément d'un certain nombre de personnalités de la société civile ou même du parti, que cette question soit examinée dans ce cadre de recherche de consensus plu­tôt que sur la base des textes. Et c'est ce que nous avons tous admis et que nous avons accompagné.
N.V : Il y a quand même eu un rapport du comité de contrôle...
P.A.N : On aurait pu faire l'économie de ce rapport étant donné que la question avait été réglée par la médiation. Personnellement, je ne me suis pas prononcé là-dessus pour ne pas relancer le débat sur la crise. Au de­meurant, j’observe que ce même comité de contrôle avait adressé au président du parti ses vives félicitations lors de la dernière convention du parti.
N.V : Vous dites que la crise est derrière alors que ce n'est pas exactement le sentiment qu'on a eu à l'occasion du Comité cen­tral du 14 août où l'un des acquis de la médiation failli être remis en cause...
P.A.N : C'est aussi cela la vie démocratique à l'intérieur du Fpi. Ce n'est pas parce qu'il y a la médiation qui est un organe non statutaire que les militants sont obligés de s'incliner. Avant de l'adopter, ils ont quand même tenu à faire connaitre leur opinion. Y compris sur le contenu de la médiation et c'est leur droit. Ce qui est important c'est qu'en fin de compte, ils ont endossé l'ensemble des conclusions de la médiation.
N.V : Monsieur le prési­dent, avez-vous déjà envi­sagé de démissionner ?
P.A.N : Non ! Je ne peux pas envisager cela dans la me­sure où une crise est une si­tuation qui arrive dans toutes les organisations et qu'on peut même considérer comme une opportunité pour réajuster les structures et le fonctionnement de l'organi­sation. Moi, j'ai une attitude positive vis-à-vis de ce qui se produit pour voir quelles sont les opportunités que ces situations offrent pour améliorer l'existant, pour dy­namiser et pour avancer. C'est dans cette logique que je situe la crise.
N.V : Etvous pensez avoir la marge de manœuvre né­cessaire pour réaliser ce que vous souhaitez ?
P.A.N : Bien sûr ! Etant donné que l'objectif à court terme, c'est la tenue du congrès, je pense qu’il n’y a pas d’obstacle, particulièrement, en ce qui me concerne pour l'organiser dans les mois à venir. Etant donné que, au-delà de la médiation, l'appareil tel que je le conce­vais a été renforcé. Je tiens toujours à rappeler que mon objectif, c'était un secrétariat général qui me permette d'avancer et je l'ai eu. C'est avec cet appareil que nous allons organiser la vie du parti et préparer le congrès…
(NB :lire la suite de l’interview jeudi 04 Septembre 2014 sur www.laregionale.com)
Notre Voie/ Interview réalisée par :
Augustin KOUYO
BOGA Sivori
Guillaume GBATO
César ÉBROKIÉ

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