Charles Konan Banny, Konan
Kouadio Bertin, Amara Essy... Tous rêvent de porter les couleurs du
PDCI à la présidentielle de 2015. Et plutôt que de faire taire leurs
ambitions, ils ont choisi de défier le patron du plus vieux parti de la
Côte d'Ivoire, qui appelait à soutenir Alassane Ouattara.
Au sein du Parti démocratique de Côte
d'Ivoire (PDCI), la machine s'emballe. Beaucoup le disaient sclérosé, et
l'investiture de l'un de ses membres à la présidentielle de 2015
paraissait exclue : le 17 septembre, lors du désormais célèbre appel de
Daoukro, Henri Konan Bédié (HKB), son président, avait annoncé que le
PDCI soutiendrait le président sortant, Alassane Ouattara. Mais en
l'espace de quelques jours, trois candidats ont avancé leurs pions, sans
toutefois dévoiler entièrement leur jeu.
Acte I : Essy malgré lui
Le 5 décembre, des militants proches
de l'ancien ministre des Affaires étrangères, Amara Essy, déposent son
dossier de candidature au siège du parti, dans la commune de Cocody.
Essy a préalablement écrit à Bédié pour lui faire part de ses
intentions. Tout est prévu pour que cette candidature ne soit rendue
publique que quarante-huit heures plus tard, jour anniversaire de la
mort de l'ancien président et fondateur du parti, Félix
Houphouët-Boigny. Tout un symbole. Mais dès le lendemain, l'information
fuite : des militants très enthousiastes en informent la presse, au
grand dam des communicants du nouveau candidat.
Acte II : Le hold-up de KKB
Dans le camp du député de Port-Bouët,
Konan Kouadio Bertin, dit KKB, qui depuis plusieurs mois ne cache pas
ses ambitions, c'est la surprise. Dire qu'ils étaient peu nombreux à
penser qu'Essy irait au bout de sa démarche est même un doux euphémisme.
Une conférence de presse est donc organisée en urgence, et KKB se
déclare candidat pour "sauver le PDCI". Le cadet a-t-il voulu prendre de
court son aîné, puisque à ce moment-là Essy n'avait pas encore confirmé
la rumeur (il le fera le lendemain dans une tribune publiée dans la
presse locale) ? "Absolument pas", répond l'intéressé, qui parle d'"un
voyage en Europe" programmé le jour même pour expliquer sa
précipitation.
Acte III : Konan Banny pris de vitesse
L'ancien Premier ministre avait lui
aussi prévu de sortir du bois et de faire une déclaration, le 8
décembre, afin de défendre "son courant" au sein du parti. Face aux
candidatures d'Essy et de KKB, il a donc fallu changer de stratégie...
et s'aligner. Oublié le long discours qu'il devait prononcer pour
l'occasion. Le 10 décembre, les proches de Konan Banny déposent son
dossier de candidature au siège du PDCI, décidément très fréquenté ces
temps-ci.
Konan Banny, Essy, KKB... Trois
candidatures et autant d'épines dans le pied pour un Bédié dont on
croyait l'autorité quasi inébranlable. Même les quotidiens proches du
parti s'interrogent : "Que vaut encore l'appel de Bédié ?" titre Le
Démocrate. "Jusqu'où ira Essy Amara ?" s'interroge Le Nouveau Réveil.
Pour le camp d'Essy, la réponse est
simple : il ira jusqu'au bout, mais avec le soutien du parti. "Il
respecte profondément Bédié, explique un de ses conseillers. Il est
aussi très fier de la contribution actuelle des ministres PDCI au
gouvernement. Mais il considère ce parti comme un vivier de cadres, au
service d'un véritable projet de société, qui ne peut se contenter de
jouer le second rôle." Sans doute Essy espère-t-il convaincre les
militants de la nécessité d'une candidature PDCI et infléchir la
position de Bédié.
Rien à voir avec la stratégie de KKB,
le "soldat perdu", ainsi que l'avait surnommé HKB. Avec ou sans le
soutien officiel de sa famille politique, il se dit "prêt" à aller aux
élections.
La réunion du bureau politique du
parti, qui doit se tenir le 18 décembre à Abidjan, sera donc cruciale
(comble de l'ironie, les participants devaient en profiter pour débattre
des différentes manières d'expliquer l'appel de Daoukro aux militants).
On sait que le principe d'une convention nationale, qui pourrait être
le théâtre de primaires, y sera discuté. La direction du parti en
profitera-t-elle pour invalider les candidatures des trois fauteurs de
troubles ? Difficile à dire car, du côté du Sphinx de Daoukro, le
silence est de mise. Un de ses proches confie tout de même qu'il a été
"très surpris" par la candidature d'Essy : "Konan Banny, il s'y
attendait, et c'est surtout contre lui qu'il avait lancé son appel de
Daoukro. Mais Essy, il croyait que c'était une blague. Du coup, il prend
sa déclaration très au sérieux."
Les dossiers de ceux que l'on appelle
aujourd'hui "les irréductibles" ont été "réceptionnés", mais "le PDCI
est verrouillé, explique l'un de ses cadres. C'est une machine bien
huilée, déjà en marche pour le candidat Ouattara. Il sera très difficile
de la faire dérailler". Et la même source de conclure : "Admettons que,
par le plus grand des hasards, Bédié soit au fond d'accord avec ces
irréductibles. Le voyez-vous aller voir Ouattara, son partenaire depuis
quatre ans, et lui dire : "Désolé, je ne peux pas tenir ma promesse ?"
Soyons sérieux, la politique, c'est un peu plus compliqué que cela."
Au sein du Rassemblement des
républicains (RDR, au pouvoir), où l'on veut croire que Bédié saura
tenir ses troupes, ces candidatures en série sont accueillies avec
sérénité. "Ce qui se passe au PDCI concerne d'abord le PDCI. Nous
n'avons pas à commenter, nous observons et nous nous en tenons à l'appel
de Daoukro, indique Joël Nguessan, porte-parole du RDR. Le président
Ouattara a lui-même dit vouloir affronter un candidat de poids en 2015.
Que le PDCI estime en avoir un ou pas est une question de cuisine
interne. Comme dans tout parti politique, il y a parfois des chocs
d'ambitions."
Et quand les uns raillent la jeunesse
et le manque d'expérience d'un KKB, 46 ans, les autres pointent le
manque de popularité d'un CKB, 72 ans, ou l'état de santé d'un Amara
Essy, bientôt 70 ans. Dans l'entourage du chef de l'État, certains
avancent même malignement que ce dernier ne "passera pas l'épreuve de la
visite médicale", en référence à cette obligation constitutionnelle
pour chaque candidat à la présidentielle de "présenter un état complet
de bien-être physique et mental dûment constaté par un collège de trois
médecins". Essy, en séjour à Paris depuis quelques semaines, et que
Jeune Afrique a pu rencontrer, dit simplement soigner son genou. Il
devrait d'ailleurs rentrer très prochainement à Abidjan.
Le titre est de la rédaction
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