Le président zimbabwéen Robert Mugabe,
au pouvoir depuis 1980, a officiellement placé samedi son épouse Grace
dans la course à sa succession bien que la première dame soit
relativement novice en politique.
« Je
suis heureux de réaliser et officialiser votre souhait en la déclarant
secrétaire aux Affaires féminines de la Zanu-PF », a déclaré le plus
vieux chef d’Etat africain, 91 ans en février, au dernier jour du
congrès de son parti réuni cette semaine à Harare.
En
devenant présidente de la puissante Ligue féminine, Mme Mugabe, 49 ans,
fait automatiquement son entrée au bureau politique du mouvement dont
elle était jusqu’à présent simple membre.
« Nous
avons besoin de plus d’applaudissements », a lancé aux milliers de
délégués un des dirigeants de la Zanu-PF, Simon Khaya Moyo, et
l’assistance a repris en choeur « Amai! Amai! » (Maman, Maman).
Mme
Mugabe a longtemps hérité de surnoms moins flatteurs, « Première
acheteuse » ou « Gucci Grace », pour sa réputation d’acheteuse
compulsive.
Sans
surprise, M. Mugabe a aussi été reconduit chef du parti. Il a en
revanche entretenu le suspens concernant la composition très attendue du
bureau politique et le choix de ses vice-présidents qui ne seront
connus que « mercredi ou jeudi », a-t-il dit.
Autre
prétendant à la succession, le ministre de la Justice, Emmerson
Mnangagwa, a été nommé au comité central et garde ses chances.
« Je
veux vous dire ma profonde gratitude, une fois encore, pour m’avoir
choisi pour vous diriger », a déclaré M. Mugabe, ovationné par des
milliers de supporters.
L’issue
ne faisait pas de doute. Personne ne se présentait contre le leader
historique qui a également été désigné candidat du parti à la prochaine
élection présidentielle prévue en 2018. Il aura alors 94 ans.
La fulgurante ascension de Grace Mugabe -
Concernant
le bureau politique, M. Mugabe a, contre toute attente, choisi de ne
pas choisir: « Je ne veux pas me précipiter (…) Je vais regarder les
gens qui sont entrés au comité central (…) Il y aura beaucoup d’adieux.
Certains ont déjà choisi par des actions illégales de nous dire au
revoir ».
« On
ne les chasse pas, sauf pour ceux que nous avons exclus… et qui vont
redevenir membres ordinaires du parti. Ils auront plus temps pour
s’occuper de leur ferme », a-t-il ironisé.
Grace
Mugabe, relativement nouvelle dans l’arène politique, avait été à la
surprise générale désignée en août pour briguer la direction de la ligue
féminine du parti.
Elle
a ensuite laissé entendre qu’elle pourrait avoir envie de parvenir un
jour à la tête du pays et fait campagne contre sa rivale la
vice-présidente Joice Mujuru, 59 ans, accusée de corruption et complot
contre M. Mugabe.
Tombée
en disgrâce, Mme Mujuru ne participait pas cette semaine au congrès,
ayant par avance perdu son poste au comité central. Jeudi, elle avait
été publiquement désavouée par M. Mugabe devant les délégués.
Le
président avait dénoncé une cabale et menacé Mme Mujuru de poursuites
pénales, regrettant de l’avoir choisie comme vice-présidente du parti
dix ans plus tôt. « S’il y a des preuves dans les affaires qui leur sont
reprochées, ils seront inculpés », a-t-il lancé jeudi.
Selon
le Pr Lovemore Madhuku, spécialiste de droit constitutionnel à
l’université du Zimbabwe, Mme Mujuru a la possibilité légalement de
conserver son poste comme vice-présidente de l’Etat même si elle perd,
comme c’est prévu, la vice-présidence du parti.
Il
y a peu de chance qu’elle le fasse. « Elle reste vice-présidente (de
l’Etat) après le congrès sauf si elle est limogée, démissionne ou
meurt », a-t-il dit à l’AFP. Mais « la règle non écrite est que le
vice-président du parti devienne vice-président de l’Etat ».
« Le
président ne peut plus faire confiance à Mme Mujuru et travailler avec
elle. Elle ne peut pas s’appuyer sur la loi pour rester à son poste »,
a-t-il ajouté.
M. Mugabe n’a jamais désigné de successeur et, en coulisses, c’est le règne de l’intrigue depuis des années.
En
2008, ces divisions qui rongent la ZANU-PF avaient coûté cher au parti,
arrivé en deuxième place au premier tour de la présidentielle, avant
que l’opposition ne déclare forfait, victime d’un déferlement de
violences qui avait fait 200 morts.
Le
congrès avait été largement préparé par une purge jusqu’au plus haut
niveau: suspensions, exclusions, l’ex-chef de file des vétérans de la
guerre d’indépendance Jabulani Sibanda a même comparu devant un juge.
Poursuivi pour atteinte à l’autorité du chef de l’Etat, il a été remis
en liberté sous caution.
AFP
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