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dimanche 7 décembre 2014

CPI, Et si Gbagbo avait été le mouton du sacrifice ?

 
Laurent Gbagbo, ex-président de la République de Côte d'Ivoire (Photo d'archive)

Avec l’entrée de l’opposition en particulier l’Alliance des forces démocratiques de Côte d’Ivoire mais surtout du Front populaire ivoirien dans le bureau de la Commission centrale de la Commission électorale indépendante (CEI), Pascal Affi N’Guessan n’en déplaise aux faucons se positionne de plus en plus comme le candidat naturel du parti à la rose aux élections présidentielles de 2015 et le Président incontesté.

Adoubé par François Hollande qui n’a pas hésité à lui accorder une audience lors de sa récente visite dans notre pays le 17 Juin dernier et sa rencontre avec le Président Henri Konan Bédié ce lundi 11, celui qui jadis, n’était que le souffre-douleur de Simone Gbagbo et de nombre de militants du FPI ; un homme sans carrure est sans conteste en train de renverser la vapeur, prouver le contraire et se tracer un tout autre destin que celui voulu pour lui par Laurent Gbagbo, son mentor.
Affi N’Guessan qui monte, le paysage politico-social qui se détend petit à petit, un Alassane Ouattara tout feu, tout flamme, jouissant d’une excellente réputation tant aux plans africain qu’international, crédité d’un taux de croissance de 9 à 10%, -un résultat à faire pâlir plusieurs pays occidentaux-, le retour de la Côte d’Ivoire sur la scène internationale, tout semble aller à merveille dans le meilleur des mondes.

http://laregionale.com/1-politique/2014/12/07/6550/FPI-38-commandos-pour-remettre-le-parti-a-Laurent-Gbagbo
 
Enfin, pas pour tous. Le seul perdant semble être Laurent Gbagbo dont la défense depuis le 29 Juillet dernier, a interjeté appel après la notification en français de la confirmation des quatre charges de crimes contre l’humanité (meurtres, viols, actes inhumains, tentatives de meurtres et persécutions) retenues contre lui. Relançant ainsi pour la énième fois le débat sur son arrestation et son transfèrement à la CPI. En effet, et si Laurent Gbagbo n’avait été que le mouton du sacrifice ?
L’homme
Véritable bête politique, tribun de génie, charismatique, Laurent Gbagbo s’est incontestablement forgé un destin à la force du poignet. Homme de conviction, ne reculant devant rien, il est Le seul, l’unique à avoir affronté un Houphouët-Boigny au faite de sa gloire, qui n’aura de cesse de le faire rentrer dans les rangs par toutes sortes de stratagèmes et de stratégies. En vain ! Pour ses idées, celui qui était déjà assuré d’avoir un destin national connaîtra la prison à Séguéla -sorte de camp de rééducation militaire destiné aux fortes têtes, aux récalcitrants en vue de les briser psychologiquement et les ramener à la raison( ?)-, la prison civile, l’exil, les privations, la clandestinité.
Harangueur de talent, adepte du langage terre-à-terre, l’homme ne s’embarrasse pas de manières et sait parler au peuple à qui, il plaît ainsi qu’aux petites gens mais aussi à une partie des intellectuels qui voient en lui qui son libérateur qui son messie. En 1990, lorsqu’il ose se présenter contre Houphouet-Boigny qui bien qu’affaibli par la maladie et obligé de se plier au diktat de la France sur le nouvel ordre mondial ; imposer la démocratie à leurs anciennes colonies, l’audace de Laurent Gbagbo surprend, plaît et force l’admiration ainsi que le respect au-delà de nos frontières surtout dans le monde occidental.
Faisant et défaisant ses alliances au gré de ses intérêts, c’est un véritable guerrier et un véritable stratège qui pousse ses pions comme dans un jeu d’échec. Ouvert, généreux, affable, gentil, fidèle en amitié, l’homme est tout en contrastes.
Selon les besoins de la situation, Il sait également se montrer populiste, opportuniste, dur, cynique ; féroce, veillant sur ses intérêts et ceux des siens comme un bouledogue prêt à déchirer toutes ses proies. "Le Prince" de l’italien Nicolas Machiavel, penseur très important de la Renaissance, théoricien de la politique, de la guerre, et historien sur « l’action des grands hommes » et "L’art de la guerre" du général Chinois Sun Tzu, classique du genre, dont la compréhension dépasse le domaine militaire et peut être étendue à la plupart des domaines de l’activité humaine, sont de son propre aveu ses deux livres de chevet .
Car l’homme sait ce qu’il veut, où il veut aller et comment obtenir ce qu’il veut. Et, ce qu’il veut et a toujours voulu, c’est être :« Calife à la place du Calife » ! Vœu qui se réalisera en 2000 au lendemain d’une « élection calamiteuse »selon ses propres termes. Et son règne durera dix ans. Dix longues années qui paraîtront une éternité, une longue agonie, une véritable descente aux enfers pour nombre de ses compatriotes car l’homme a malheureusement changé. En pire.
Ami et chouchou de la France du temps où il était un opposant, allié au parti socialiste français à travers le FPI et affilié à l’International socialiste,choix des occidentaux qui voyaient en lui, un partenaire de taille, l’homme va faire un virage à 360° au grand dam de ceux-ci. Surfant sur la vague populiste, son langage ne souffre plus aucune ambigüité, il est devenu purement et simplement intraitable envers ses anciens amis, ses partenaires d’hier qui sont maintenant décrits comme des néo-colonialistes et des impérialistes.
La consécration de l’ivoirité, concept raciste, par lui, le grand historien, alibi dont vont se servir ses adversaires pour fomenter une rébellion en 2002, entraînera la partition du pays en deux. Entre nord et sud. Une rébellion dont nous payons le prix jusqu’à ce jour.  Le lézard n’a fait qu’entrer dans la brèche pour y danser sa danse macabre. Et cette brèche a été sans conteste l’adoption de cette thèse ivoiritaire.
Le blanc-seing donné à la Fesci et à cette Galaxie patriotique -fondée et dirigée de main de fer par une autre de ses âmes damnée, son fils spirituel Charles Blé Goudé surnommé le général de la rue-, un véritable repaire et une assemblée de voyous, de délinquants fanatisés et fanatiques, qui lui vouent une admiration sans borne et qui terroriseront aussi bien la population estudiantine que les Ivoiriens dans leur ensemble, la création des escadrons de la mort dont on dit que c’était une œuvre de son épouse Simone Ehivet, véritable machine à tuer, à broyer et à intimider leurs ennemis ou ceux qui osent se mettre en travers de leur route.  Le journaliste Franco-Canadien, André Kieffer, dont le corps n’a toujours pas été retrouvé est l’une de leurs victimes les plus célèbres.
Son laxisme et pis, son encouragement et sa caution face à l’enrichissement illicite des siens, la consécration du népotisme et du clientélisme, son manque de tact, ses prises de position partisanes et populistes, son franc-parler et la verdeur de ses propos commencent à agacer, à exaspérer au-delà de nos frontières.
Indexée, rejetée, bannie, ostracisée, la Côte d’Ivoire devenue indésirable n’est plus que l’ombre d’elle-même. On lui ferme les portes internationales et la quasi-totalité sur le plan africain. Désormais, elle vit repliée sur elle-même dans un pesant vase-clos.
Ce règne qui durera 10 ans entraînera le pays dans les fonds abyssaux à tous les niveaux : politique, social, éducation, sanitaire surtout économique- la Côte d’Ivoire se retrouvera avec un taux de croissance négatif- jusqu’à ces élections qui entraîneront définitivement sa chute.
Car pour son malheur, Gbagbo Laurent a ajouté la religion à son programme politique. Entouré de pasteurs -plus d’illuminés que de véritables hommes de Dieu- prévaricateurs, intéressés dont le plus dangereux fut sans conteste le fameux prophète Malachie, il finira par se convaincre d’avoir un destin divin; d’être Dieu !
Dans ses derniers moments de lucidité et rattrapé par la realpolitik, il offrira tous azimuts à son ami Martin Bouygues les concessions de l’eau et de l’électricité de gré à gré, la téléphonie, hors toute procédure légale à France Télécoms, le terminal à conteneurs du port d’Abidjan à Bolloré, sans appel d’offres, des blocs pétroliers à la frontière du Ghana au groupe Total etc.
Pensant que la France sauvera son fauteuil et le protégera.  En vain ! C’était déjà trop tard ! Le mal était déjà fait ! Les dés, déjà jetés ! Le ver avait fini par infester et infecter tout le fruit.  Une majorité des Ivoiriens n’en pouvaient plus et n’en voulaient plus. Et cet entêtement, à vouloir vaille que vaille présider aux destinées de la Côte d’Ivoire finira par lui coûter très cher.
Sa chute
Qui ne souvient pas de ces images horribles du visage défait du couple présidentiel ? Quel Ivoirien ne se souvient pas de ces images fortes où l’on voit l’ex-homme fort de la Côte d’Ivoire, Laurent GBAGBO tout en sueur, le regard vide et hagard des perdants dans cette chambre de l’Hôtel du Golf? Qui n’a pas encore en tête cette image humiliante de Laurent GBAGBO, transpirant à grosses gouttes changer de chemise devant les caméras ? Des images fortes, des images déplaisantes pour lui et pour la Côte d’Ivoire, des images dérangeantes qui malheureusement par le biais de la technologie feront le tour du monde. C’était le 11 avril 2011, le jour de son arrestation par les ex FRCI (Forces républicaines de Côte d’Ivoire) à la résidence présidentielle.
Qui ne se souvient pas de ce vote historique du 31 octobre 2010, dont le taux de participation de 83% a fait la une des journaux du monde entier et la fierté des Ivoiriens devant l’esprit démocratique et bon enfant, des élections qui se dérouleront dans un climat apaisé. Laissant augurer des lendemains meilleurs, des lendemains qui chantent pour la Côte d’Ivoire qui après des élections calamiteuses en 2000, une rébellion qui a divisé le pays en deux : sud et nord en 2002, venait de renouer après dix ans d’arrêt avec la démocratie, rejoindre le concert des Nations.
Puis patatras ! le 02 décembre 2010, le magnifique rêve tant caressé par tous, tout va voler en éclats. C’est dans une salle de conférence de l’Hôtel du Golf et sous la protection des blindés des Nations Unies que la Commission Electorale Indépendante (CEI), et non à son siège, se voit obliger d’annoncer les résultats qui donnent le candidat Alassane OUATTARA vainqueur avec un taux de 54,1 % contre 45,9% pour le candidat GAGBO.
Un verdict refusé par le dernier qui se verra investi au mépris de toutes règles Président de la République de Côte d’Ivoire par la Cour constitutionnelle présidée à cette époque par un de ses hommes, Yao N’Dré. Un bicéphalisme qui durera près de six mois plongeant le pays dans une guerre civile qui fera plus de 3000 morts jusqu’à son arrestation.
Le Mouton du sacrifice ?
Mais Gbagbo est-il réellement le mouton du sacrifice à cause de l’intérêt égoïste d’un individu comme se plaisent tant à dire ses partisans ? Gbagbo a- t-il été liquidé pour les ambitions personnelles du Président Alassane Ouattara accusé de collusion avec les nations occidentales comme le prétendent les chantres de la lutte contre le pseudo-impérialisme ? Gbagbo a- t-il été sacrifié sur l’autel des intérêts partisans ? L’ex-homme fort est-il vraiment ce chantre de la lutte anti-colonialiste, le héraut africain des temps modernes comme il aime à se présenter lui-même et comme aime à le présenter de nombreux africains qui ont pris fait et cause pour lui ? Enfin, Gbagbo est-il vraiment l’icône d’une Afrique subordonnée aux intérêts capitalistes ?
Oui répondront assurément ses partisans. Qui pour la majorité font partie des nombreux adeptes des théories du complot. Des partisans et autres admirateurs qui voient en l’homme plus un martyr pour la cause africaine qu’un coupable. Pour eux, sa descente aux enfers surtout son transfèrement à la CPI est l’œuvre d’un seul individu : Alassane Ouattara. Elevé au rang d’icône vivante, l’ex-homme fort de la Côte d’Ivoire été sacrifié selon eux sur l’autel partisan des intérêts occidentaux; une opération conduite par leur « sbire », le Président de la République.
Un adversaire jaloux et craignant comme la peste un adversaire qui malgré sa chute était toujours aussi redoutable qu’il convenait d’écarter, tenir à distance, anéantir ; liquider purement et simplement.  La CPI, avec laquelle, il y a eu entente délictueuse lui en a donné l’occasion ; une occasion inespérée.
Alors, qu’à bien y regarder de près, une fois devenu président, le Woody de Mama, n’a rien fait sur le plan politique ivoirien, international voire même africain ou même panafricain qui mérite d’être souligné ou même de rester dans les annales. Ayant une conception très particulière de ses obligations,il ne participait ni aux sommets, ni aux conférences ni aux rencontres où se réunissait ses pairs, les rendez-vous mondiaux pour décider les choses de la planète, les choses ce monde. L’homme avait du mépris pour tout ça, -une pure perte de temps selon lui- et pour la majorité de ses pairs africains. Seul son pouvoir l’intéressait ! Pour cela, il était prêt à tout.
Et en 2004, lorsqu’après leur raté mémorable du bombardement de Bouaké, survient son bras de fer avec la France de Jacques Chirac, ils n’hésiteront pas lui et Blé Goudé, à se servir de la mémoire d’Houphouët- Boigny -qu’ils détestaient et pourfendaient à la moindre occasion-, à surfer sur la vague néo-colonialiste et impérialiste pour crier au massacre et au martyr. Nombre d’Ivoiriens n’y verront que du feu et s’engouffreront la tête première dans ce subtil piège à eux tendu.

C’est cette posture mensongère, ce calcul, cette tactique de génie -car on saura plus tard, que tandis qu’il jetait l’huile sur le feu en jetant de nombreux jeunes ivoiriens dans les rues au mépris de leur vie, il discutait dans l’ombre avec la France pour calmer la situation et sauver son fauteuil– qui, jusqu’à présent lui vaut l’admiration sans borne, son statut de panafricaniste et de résistant dans l’esprit de ses admirateurs.
Le dilemme du Président Ouattara
Devant l’acharnement, le harcèlement permanent de la Cour Pénale Internationale (CPI), qu’aurait pu ou dû faire le Président Ouattara tant l’intéressé lui-même s’était acharné à se mettre à dos la quasi-totalité de la communauté internationale et une grande partie de l’opinion africaine à dos ?
Qu’aurait pu faire le Président Ouattara qui héritait d’un pays déchiré, en pleine guerre civile ? Un pays qui n’existait plus que de nom et qui chaque jour devait faire face à des morts, des escarmouches, des velléités, des tentatives de coups d’états de la part de ses partisans, de ses affidés ?
Que pouvait-il et qu’aurait-il pu faire face à une armée éparpillée, hétéroclite et qui n’existait plus que de nom, à des institutions notamment judiciaire qui ne fonctionnaient plus ?
Admettre que la justice ivoirienne n’avait pas les moyens de juger Laurent Gbagbo, a dû être une décision difficile à prendre. Car entre le fer et l’enclume, il lui fallait faire un choix, trancher.  Entre envoyer Laurent Gbagbo à la CPI pour qu’il soit jugé équitablement sans parti-pris ni équivoque et sauver 23 millions d’habitants, entre sauver un seul homme et en sauver des millions, le choix a été vite fait. Sauver la Côte d’Ivoire était la meilleure décision n’en déplaisent à certains.
Car dans l’intérêt supérieur de la nation, il y a des décisions comme ça qui s’imposent à vous. Et c’est en cela que l’on reconnaît un véritable chef d’Etat, un véritable leader ; par sa capacité à prendre les mesures qui s’imposent pour le bonheur et la sécurité du plus grand nombre quand il faut.
De plus, Laurent Gbagbo, n-a-t-il pas affirmé devant les juges qu’il préférait être à la CPI où les conditions de sa détention étaient meilleures que lorsqu’il était en Côte d’Ivoire ?
Une chose est sûre, ce vin-là, nous le boirons tous jusqu’à la lie, jusqu’à un véritable retour de la réconciliation dans notre pays.
Salomon DAVID

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