Si
on s’en tient au contenu de l’historique deuxième appel du Président du
PDCI, Henri Konan Bédié, à faire d’Alassane Ouattara l’unique candidat
du RHDP pour l’élection présidentielle de 2015, on en déduit qu’un deal,
visible comme le nez au milieu du visage, a été goupillé entre les deux
hommes forts de la Côte d’Ivoire à l’heure actuelle. Le chef de l’Etat
et le faiseur de roi, Henri Konan Bédié.
Comme « L’Eléphant » l’a conté depuis
longtemps, le président du PDCI a négocié ferme les conditions de son «
oui » à la candidature unique.
Il avait voulu d’abord une
modification de la Constitution pour la création d’un poste de
vice-président qui, évidemment, devrait lui revenir pour ses vieux
jours. Mais l’idée, au RDR, n’a emballé personne, surtout Soro Guillaume, le dauphin constitutionnel qui voyait dans ce projet, un
obstacle à son ascension au dernier étage du pouvoir d’Etat. Et, dans
les coulisses, a bataillé ferme pour l’abandon pure et simple de ce
dangereux projet.
Ensuite, Bédié a voulu le maintien de
Youssouf Bakayoko à la tête de la Cei, malgré le fait que ce poste
devait revenir logiquement, selon les têtes à penser du RDR, au
représentant, dans cette institution, du chef de l’Etat. Mais le chef de
l’Etat a accédé à cette exigence. Et la suite est connue de tous. A
Daoukro, le Président de la République a défendu la désignation de
Youssouf Bakayoko avec un zèle qui a surpris tout le monde. Allant
jusqu’à menacer de faire organiser les élections par le ministère de
l’Intérieur, si l’on ne laissait pas Youssouf Bakayoko dormir en paix.
Autre exigence, le Président du PDCI, a
posé la nomination de Niamien N’Goran, actuel Inspecteur Général
d’Etat, au poste de Premier Ministre, en remplacement de Daniel Kablan
Duncan. Motif ? L’électorat du PDCI-RDA étant majoritairement Baoulé,
lequel ne cesse de se plaindre, de crier que les Baoulé n’ont pas obtenu
grand’chose après leur vote massif de 2010, n’accepterait pas un autre
appel à voter Ouattara s’il n’avait pas l’illusion que le PDCI tient de
fortes institutions de l’Etat avec à leur tête, des Baoulé.
Il faut donc, a expliqué Bédié à
Ouattara, qu’il puisse présenter quelque chose de consistant aux
militants du PDCI, en leur montrant « un canari » bien garni,
c’est-à-dire, pouvoir leur présenter un fils Baoulé bien propulsé au
sommet de l’Etat afin d’utiliser cela comme un argument massue pour les
convaincre d’accepter la candidature unique de Ouattara.
Mais l’idée de la nomination de
Niamien N’Goran n’a pas beaucoup enchanté notre Président, trop proche
de Daniel Kablan Duncan, avec qui il partage une convergence de vue
presque parfaite sur tous les sujets. Sauf que la politique étant la
saine appréciation des réalités du terrain et du moment, le chef de
l’Etat n’a pas eu d’autres choix. On devrait donc, dans les semaines ou
mois à venir, voir débarquer Niamien N’Goran à la Primature et ce,
jusqu’en 2020 ? Mais au Palais, déjà, dans cette perspective, on a déjà
pris des mesures. Duncan n’ayant aucune ambition présidentielle
contrairement à Niamien N’Goran, la nomination récente de Thierry Tanoh
et de Serrey Eifel (malgré la haine cordiale entre ce dernier et Amadou
Gon), aux postes de Secrétaires généraux adjoints de la Présidence avec
rang de ministre, devrait permettre de surveiller les mouvements
financiers à la Primature et d’encadrer Niamien N’Goran afin qu’il ne
devienne pas incontrôlable.
La dernière exigence qui « tue »
Bédié a certes juré pendant le 12ème
Congrès de son parti qu’il est impossible que le PDCI, en tant que parti
politique, n’ait pas de candidat à l’élection présidentielle, mais dans
les faits, comme le disent des mauvaises langues, tant que Bédié sera
vivant, il n’acceptera pas qu’il y ait au PDCI, quelqu’un qui soit
au-dessus de lui, comme par exemple, un chef de l’Etat issu des rangs du
PDCI-RDA. Puisque chacun sait qu’en l’état actuel de la configuration
politique de la Côte d’Ivoire, avec un FPI à la rue avec des millions
d’électeurs qui ne jurent que par la perte du RDR et de son champion, un
candidat du PDCI pourrait facilement battre le chef de l’Etat si les
militants du FPI, pour se venger d’Alassane Ouattara, décidaient de le
voter massivement. Et Bédié se serait, de son vivant, ainsi, retrouvé
dans l’ombre de ce nouveau Président, l’un de ses « suiveurs ».
Inacceptable.
Il a donc, pour donner l’impression
aux militants du PDCI qu’il œuvre pour le retour du PDCI au pouvoir,
sortie l’idée de la création du PDCI-RDR dans une logique d’alternance
du pouvoir.
Le PDCI, par sa seule volonté, accepte
de laisser Ouattara continuer jusqu’en 2020 et, en contrepartie, le
RDR, dans le cadre de cette nouvelle alliance-fusion, accepte de laisser
un cadre du PDCI gouverner après 2020. Évidemment, une telle
proposition, dans la mesure où la Constitution n’autorise que deux
mandats, ne posait aucun problème au chef de l’Etat qui, de bon cœur,
l’a accepté. Au RDR également, les têtes d’huile n’y voient, pour le
moment, aucun inconvénient. Ce qui compte, c’est de garder, pour cinq
ans encore, le pouvoir d’Etat. Après, « on verra… »
Dans l’entendement du Président Bédié,
le futur Président du PDCI-RDA après lui, ce n’est personne d’autre que
Niamien N’goran. Les pouvoirs qu’il avait voulu lui confier dans la
réforme du PDCI en vue du toilettage des textes dans la perspective du
Congrès et qui ont fait hurler plusieurs barons il n’y a pas longtemps,
obéissaient à ce plan. Or, placer Niamien N’Goran à la Primature
jusqu’en 2020, dans la perspective de l’alternance, le calcul est
limpide. C’est le futur président du PDCI et le futur candidat à
l’élection présidentielle. Il n’est pas malin notre Bédié national ?
Mais tous ces calculs de Bédié
n’enchantent pas un homme : Soro Kigbafori Guillaume. Le désormais très
discret Président de l’Assemblée nationale. Il n’est pas du PDCI, mais
tout ça lui cause un tort insoupçonné.
Il était à Daoukro pendant le séjour
du Président de la République. C’est devant lui que Bédié a déroulé le
contenu de son appel à faire de Ouattara le candidat unique du RHDP et a
parlé d’alternance au sommet de l’Etat dans le cadre du PDCI-RDR. Il a
eu l’occasion d’échanger avec le président Bédié, de le saluer, même en
quelques minutes.
Mais ne voilà-t-il pas que le même
Soro Guillaume, après la tournée, vient, de nouveau, de déposer sa
valise à Daoukro dans le cadre d’une visite à Bédié ?
« (…) Je profite pour le féliciter et
lui dire toute mon admiration pour son appel, son soutien à la
candidature unique du Président Alassane Ouattara au sein du RHDP et
au-delà, l'appel à l'unité nationale et au parti unifié PDCI-RDR pour
l'alternance. Je salue la grandeur et la Sagesse de ces deux Grands
Hommes d'Etat qui donnent une grande leçon de choses aux jeunes
générations. L'Unité Nationale doit être au-dessus de tout. Aucun
orgueil, aucune ambition ne doit primer sur l'intérêt général. En
attendant, je me permettrai d'humer les effluves des terres champêtres
de Daoukro aux côtés du doyen Bédié ». A déclaré Soro Guillaume.
Sauf que derrière ces belles paroles,
se cache en ce moment de lancinantes inquiétudes. La « jeune génération »
actuelle dont il fait partie, si le plan de Bédié devrait fonctionner,
n’arrivera au pouvoir, au plus tôt, qu’en 2030. C’est-à-dire dans 16
ans. Et Dieu seul sait ce qui peut se passer dans ce pays d’ici à 2030.
Pour Soro Guillaume.
Or chacun sait que Soro Guillaume,
dans tous ses rêves, se voit le futur Président de la Côte d’Ivoire
après Alassane Ouattara. A quel niveau de responsabilité étatique
sera-t-il d’ici à 2030 au point de pouvoir devenir Président de la
République par le jeu de l’alternance s’il arrivait à s’imposer au RDR
où la bataille pour la succession de Ouattara s’annonce « mortelle » ?
Bref, l’appel de Bédié a bouleversé
tous les calculs de Soro Guillaume et mis en danger son projet de
succéder le plus rapidement possible à Alassane Ouattara au sommet de
l’Etat.
Comme il aime à le dire lui-même, « à
chaque jour suffit sa peine». On espère que les bonnes odeurs des terres
fertiles de Daoukro lui permettront d’accepter la perspective de son
installation dans le fauteuil présidentiel, si « Dieu le veut », en
2030. Mais à cette échéance, il lui faudra affronter des leaders sortis
d’une nouvelle génération à laquelle il n’appartient pas. Et qui, «
effluves des terres champêtres » ou pas de « Daoukro », ne lui feront
aucun cadeau…sur son passé de chef rebelle qu’il dit assumer
heureusement, avec courage et honneur…
Le titre est de la rédaction
L’Eléphant déchaîné
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