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jeudi 13 novembre 2014

Laurent Bado crache ses vérités après la chute de Blaise

Laurent Bado : «Un homme politique, c’est quelqu’un qui voit loin comme moi, et non qui se souvient»

Comme beaucoup de Burkinabè, vous avez vécu les événements des 30 et 31 octobre 2014. Comment vous qualifiez ce qui s’est passé ?

C’est un soulèvement populaire, une insurrection populaire. Il ne faut pas penser à un coup d’Etat parce que ça ne l’est pas. Ce n’est pas la peine non plus de parler de révolution. Les révolutions sont mortes pour toujours. Il n’y avait rien de plus faux que toutes ces révolutions dans ce monde. Quelqu’un se lève, il veut plaire au peuple, au petit peuple, aux pauvres ; alors il chatouille leur sentiment, appauvrit les riches sans enrichir les pauvres et cela finit toujours mal.
Personne ne peut me parler de révolution parce que je l’ai vue partout, même en Union soviétique. Les révolutionnaires sont souvent de faux types qui mentent au peuple et c’est après que ce dernier le regrette.
 
Cette insurrection est-elle salutaire ?
 
Evidemment ! Le soulèvement populaire est très salutaire. Pourquoi ? Parce que rien ne sera plus comme avant dans notre pays ; parce que si ces jeunes sont allés au combat, prêts à mourir, il n’y a pas un pouvoir demain qui va jouer au dindon de Goundi avec le peuple ; parce que le peuple ne veut plus les inégalités criardes, ni d’une justice à double vitesse.


Vous aviez toujours prédit que l’enfer s’ouvrirait devant les Burkinabè, mais les choses sont allées vraiment vite. Est-ce que vous pensiez que Blaise Compaoré pouvait tomber aussi rapidement ?
 
Rien ne résiste à un vrai mouvement populaire. Dès le 28, j’ai compris que Blaise était perdant. Dans sa déclaration du 30 au soir, quand il a dit «je vous ai compris», j’ai applaudi et puis malheureusement il y a eu cette phrase qui a suivi et dans laquelle il disait qu’il allait diriger la transition ! Immédiatement, j’ai dit qu’il avait raté l’Histoire. Le peuple en avait marre de lui et il l’ignorait !
Blaise était déconnecté des réalités. Une fois à Paris, on lui a parlé de la pauvreté de notre pays et voici ce qu’il a répondu : «Vous êtes venu au Burkina, vous avez vu le nombre de personnes qui ont des portables ?» Donc pour lui, le nombre de portables était un signe que le peuple est riche.
A votre avis, qu’est-ce qui a véritablement perdu Blaise Compaoré après ces 27 ans ?
 
Blaise n’était pas un président. C’était un monarque. C’était son erreur. Un président de la république est en contact avec son peuple. S’il partait dans les provinces, faisait un tour dans les hôpitaux, il allait comprendre la réalité du terrain. Mais il se conduisait en empereur des Mossé. On a l’impression qu’il voulait même évincer le Mogho Naaba, car il empruntait même les attitudes royales. C’était insensé ! Le pouvoir rend fou et le pouvoir absolu rend absolument fou.
 
Est-ce que ce ne sera pas une chasse aux sorcières ?
 
Qu’est-ce que vous appelez chasse aux sorcières ? S’il y avait des vraies sorcières, vous allez les laisser vous manger ? Si on ne juge pas les détourneurs, demain, il y aura d’autres détourneurs. Quand tu as une plaie, il faut bien la vider de son pus avant de mettre un sparadrap.
Il faut juger tout le personnel de la 4e république. Qui a tué ? Qui a donné l’ordre de tuer ? Qui a volé ? Qui a détourné ? Dès que la personne se confesse, le peuple va alors pardonner. C’est ça qui sera dur, mais pourtant si l’on ne passe pas par là, le vrai changement ne sera pas au rendez-vous et le peuple va le regretter : on va lui voler sa victoire !
Selon vous, quel doit être le sort de Blaise Compaoré ?
 
Il doit être jugé avec tous ceux qui ont commis des crimes économiques et de sang mais sans être sanctionnés : pour que le peuple sache la vérité. Pensez un instant qu’il y a des veuves et des orphelins qui ignorent où se trouve la tombe de leur mari et père ! C’est connu : nul ne peut gouverner innocemment ! Donc, tous ceux qui ont régné sur le pays pendant les 27 ans passés doivent rendre compte au peuple, même sans chercher à les humilier, ni à les pénaliser. C’est la base du changement réel et je prie bien que chacun comprenne cela.
 
Entretien réalisé par
San Evariste Barro
Hyacinthe Sanou
Dona Nadia Drabo (stagiaire)

Source .lobservateur.bf
Le titre est de la rédaction

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