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vendredi 27 juin 2014

Côte d'Ivoire: Le temps des opportunistes

CHRONIQUE: Sortons des tics du passé pour vivre, vraiment, au tempo de l’émergence en mobilisant nos énergies pour des choses qui nous projettent.


Maintenant que le football, avec l’élimination, sans surprise, des Éléphants de la Coupe du monde 2014 -ça n’étonne que ceux qui veulent être étonnés, car ce qu’on a déjà vu ne peut/doit plus étonner- ne va plus saturer notre univers, je vous invite à un autre spectacle. Il se joue, lui aussi, sans conviction vraie, comme dans le premier, et se déroule sur un autre terrain, celui de la politique. C’est une sorte de marketing politique, où l’on retrouve presque toujours les mêmes acteurs qui passent d’un camp à un autre, sans gêne ; d’une pensée d’hier à une autre, sans honte, non plus ; d’un militantisme à un autre, sans vergogne, etc. Ils n’ont rien bradé, rassurez-vous, ils ne sont pas venus à Abidjan « pour regarder la Lagune », ils ont seulement compris le jeu politique local pour gagner leur pain à la sueur de leur opportunisme. Et comment ?
Il y a neuf (9) ans, nous écrivions, entre autres, ces lignes : « (…) Retenez surtout votre souffle, car longue est la liste de ces nombreux clubs de soutien qui ont déferlé sur nos têtes comme des sauterelles militantes. Cela correspond bien, dit-on, à une nécessité qui a toujours existé, lorsqu’un changement de leader intervient à la tête d’un pays. Hier comme aujourd’hui ? Rappelons-nous seulement, hier, ce militantisme faux limité dans le temps d’une allégeance, où l’on panse sa panse. Rien que ça !
Hier donc. Jeunes et vieux, sages et pas  sages, etc. se mirent donc à la danse. Et les Cercles se créèrent : Cercle national par-ci, cercle national par-là ; et les Associations se créèrent aussi : « Association des femmes bédiéistes de Côte d’Ivoire »(Afb) ; « Association des bédiéistes de Côte d’Ivoire » (Abci) ; « Association de défense des institutions de la République » (Adir), etc. Puis place fut donnée aux mouvements : « Mouvement universitaire de soutien à Bédié » (Musb) ; « Mouvement ivoirien pour la légalité, l’ordre et le développement » (Milod) ; « Unir », etc. Tout cela faisait un peu désordre, folklore, mais il y avait la théorie des mille fleurs. Tout ce monde était pour… Bédié. A l’image de cet autre club habile à jouer avec les mots : « Bédié pour tous, tous pour Bédié ». L’heure était à l’euphorie collective. Les… suivis étaient si contents d’être… aimés ; « les suiveurs » si heureux de compter parmi les invités aux banquets géants de la République en joie. Il y avait à boire. Beaucoup. A manger. Beaucoup. De l’argent à gaspiller aussi. Beaucoup. Un Club résume ce ballet des suiveurs : « Essou Bédié sou » (Entendez, on suit Bédié). Des illuminés eurent même la préscience de créer un club de soutien pour le futur : « Groupe action Bédié 2007 » (Gab 2007). On voyait si loin, en effet ! Et « Servir », à vol d’oiseau, par les routes, dévorant l’espace, emplissait, partout, même dans les stades, les cœurs de ses handicapés du « Cercle national des handicapés pour Bédié » (CnhB). Le « Cercle national Bédié » (Cnb), si riche de ses milliers d’adhérents, volait la vedette au Pdci. Plus Bédiéiste qu’eux, tu mourrais ! Dans le froufrou des boubous et des riches bazins, si riches en indéfectibles attachements, un puissant monsieur, feu Balla Keita, crée « Bédié Ambikôh » (Bédié, on est avec vous).
Dans presque toutes les langues du pays, on chantait l’hymne au soutien pour Bédié. Pas un seul hameau de ce pays ne voulait être absent à ce bal des « suiveurs ». Il y eut donc encore le « Wokye Para » (Bédié, notre seul espoir) de Katiola ; l’ «Union des jeunes bédiéistes de Sinématiali »(Ujebers) ; le « Bikory » de Tanda ; « Sikensi pour Bédié » ; « l’Union pour le soutien à l’action de Bédié » (Usab) de Yamoussoukro.
De partout donc, surgirent les clubs, dans toutes les langues. En anglais aussi, bien sûr. Il y eut alors le « All behind Bédié » d’Accra. Même la Sotra, avec ses nombreux bus poussifs, roulait au soutien avec « La Sotra roule pour Bédié » ; les artistes, avec le « Comité artistique et de soutien aux actions du président Bédié » (Casab) ; des dirigeants d’entreprise n’eurent d’autres choses de mieux à faire que de diriger une coordination : « La coordination des dirigeants d’entreprise, membres du Pdci» (Code-Pdci). Des mystificateurs en sont même venus à comparer ces nombreux clubs de soutien au Renouveau charismatique…
Le 24 décembre 1999, quand descendirent d’un mauvais ciel des « jeunes gens », tous se cachèrent. Même le Cnb, a préféré le silence. Pour de bon. On dit même que certains de ses membres ont voulu le donner en cadeau au nouvel homme fort en béret, n’eût été la vigilance de certains. D’autres même vinrent  vers le Général Guei, pour saluer en lui, le rédempteur. N’en riez pas. Le même cirque recommence… On entonne encore les cors de la propagande politicienne du culte de la personne. Pour quelle leçon ? Sinon celle du flatteur qui vit aux dépens de celui qu’il flatte. Pour un temps. Si cela pouvait servir de leçon… »
Pour la candidature unique du président Alassane Ouattara à la prochaine élection présidentielle, voici que se mettent en marche les Cercles et Associations, que sais-je encore ? Train ivoirien de l’émergence (Trie) ; Groupe d’action pour la candidature unique d’Alassane Ouattara (Gracu-Ado) ; Monasco ; Club des maires ; Force 2015, etc. On prône la candidature unique, mais on ne peut pas s’unir pour parler d’une même voix. Pour quelle raison ? Relisez encore le texte d’il y a 9 ans, une des réponses, sans doute la seule, s’y trouve.
Sous Bédié, Gbagbo, hier ; aujourd’hui, Ouattara,  doit-on encore assister à ce spectacle navrant ? Alors, de grâce, sortons des tics du passé pour vivre, vraiment, au tempo de l’émergence en mobilisant nos énergies pour des choses qui nous projettent. Pour le bien de notre pays. Les Ivoiriens savent faire la part des choses, entre ceux qui rêvent grand pour leur pays et ceux qui rêvent petit, loin des actions opportunistes des opportunistes que l’histoire de notre pays nous donne à voir.
 
La Régionale / Michel KOFFI

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