CHRONIQUE: Sortons des tics du passé pour vivre, vraiment, au tempo de
l’émergence en mobilisant nos énergies pour des choses qui nous
projettent.
Maintenant que le football, avec l’élimination, sans surprise, des Éléphants de la Coupe du monde 2014 -ça n’étonne que ceux qui veulent être étonnés, car ce qu’on a déjà vu ne peut/doit plus étonner-
ne va plus saturer notre univers, je vous invite à un autre spectacle.
Il se joue, lui aussi, sans conviction vraie, comme dans le premier, et
se déroule sur un autre terrain, celui de la politique. C’est une sorte
de marketing politique, où l’on retrouve presque toujours les mêmes
acteurs qui passent d’un camp à un autre, sans gêne ; d’une pensée
d’hier à une autre, sans honte, non plus ; d’un militantisme à un autre,
sans vergogne, etc. Ils n’ont rien bradé, rassurez-vous, ils ne sont
pas venus à Abidjan « pour regarder la Lagune », ils ont seulement compris le jeu politique local pour gagner leur pain à la sueur de leur opportunisme. Et comment ?
Il y a neuf (9) ans, nous écrivions, entre autres, ces lignes : « (…) Retenez
surtout votre souffle, car longue est la liste de ces nombreux clubs de
soutien qui ont déferlé sur nos têtes comme des sauterelles militantes.
Cela correspond bien, dit-on, à une nécessité qui a toujours existé,
lorsqu’un changement de leader intervient à la tête d’un pays. Hier
comme aujourd’hui ? Rappelons-nous seulement, hier, ce militantisme faux
limité dans le temps d’une allégeance, où l’on panse sa panse. Rien que
ça !
Hier donc. Jeunes et vieux, sages et pas sages,
etc. se mirent donc à la danse. Et les Cercles se créèrent : Cercle
national par-ci, cercle national par-là ; et les Associations se
créèrent aussi : « Association des femmes bédiéistes de Côte
d’Ivoire »(Afb) ; « Association des bédiéistes de Côte d’Ivoire »
(Abci) ; « Association de défense des institutions de la République »
(Adir), etc. Puis place fut donnée aux mouvements : « Mouvement
universitaire de soutien à Bédié » (Musb) ; « Mouvement ivoirien pour la
légalité, l’ordre et le développement » (Milod) ; « Unir », etc. Tout
cela faisait un peu désordre, folklore, mais il y avait la théorie des
mille fleurs. Tout ce monde était pour… Bédié. A l’image de cet autre
club habile à jouer avec les mots : « Bédié pour tous, tous pour
Bédié ». L’heure était à l’euphorie collective. Les… suivis étaient si
contents d’être… aimés ; « les suiveurs » si heureux de compter parmi
les invités aux banquets géants de la République en joie. Il y avait à
boire. Beaucoup. A manger. Beaucoup. De l’argent à gaspiller aussi.
Beaucoup. Un Club résume ce ballet des suiveurs : « Essou Bédié sou »
(Entendez, on suit Bédié). Des illuminés eurent même la préscience de
créer un club de soutien pour le futur : « Groupe action Bédié 2007 »
(Gab 2007). On voyait si loin, en effet ! Et « Servir », à vol d’oiseau,
par les routes, dévorant l’espace, emplissait, partout, même dans les
stades, les cœurs de ses handicapés du « Cercle national des handicapés
pour Bédié » (CnhB). Le « Cercle national Bédié » (Cnb), si riche de ses
milliers d’adhérents, volait la vedette au Pdci. Plus Bédiéiste qu’eux,
tu mourrais ! Dans le froufrou des boubous et des riches bazins, si
riches en indéfectibles attachements, un puissant monsieur, feu Balla
Keita, crée « Bédié Ambikôh » (Bédié, on est avec vous).
Dans
presque toutes les langues du pays, on chantait l’hymne au soutien pour
Bédié. Pas un seul hameau de ce pays ne voulait être absent à ce bal
des « suiveurs ». Il y eut donc encore le « Wokye Para » (Bédié, notre
seul espoir) de Katiola ; l’ «Union des jeunes bédiéistes de
Sinématiali »(Ujebers) ; le « Bikory » de Tanda ; « Sikensi pour
Bédié » ; « l’Union pour le soutien à l’action de Bédié » (Usab) de
Yamoussoukro.
De
partout donc, surgirent les clubs, dans toutes les langues. En anglais
aussi, bien sûr. Il y eut alors le « All behind Bédié » d’Accra. Même la
Sotra, avec ses nombreux bus poussifs, roulait au soutien avec « La
Sotra roule pour Bédié » ; les artistes, avec le « Comité artistique et
de soutien aux actions du président Bédié » (Casab) ; des dirigeants
d’entreprise n’eurent d’autres choses de mieux à faire que de diriger
une coordination : « La coordination des dirigeants d’entreprise,
membres du Pdci» (Code-Pdci). Des mystificateurs en sont même venus à
comparer ces nombreux clubs de soutien au Renouveau charismatique…
Le
24 décembre 1999, quand descendirent d’un mauvais ciel des « jeunes
gens », tous se cachèrent. Même le Cnb, a préféré le silence. Pour de
bon. On dit même que certains de ses membres ont voulu le donner en
cadeau au nouvel homme fort en béret, n’eût été la vigilance de
certains. D’autres même vinrent vers
le Général Guei, pour saluer en lui, le rédempteur. N’en riez pas. Le
même cirque recommence… On entonne encore les cors de la propagande
politicienne du culte de la personne. Pour quelle leçon ? Sinon celle du
flatteur qui vit aux dépens de celui qu’il flatte. Pour un temps. Si
cela pouvait servir de leçon… »
Pour
la candidature unique du président Alassane Ouattara à la prochaine
élection présidentielle, voici que se mettent en marche les Cercles et
Associations, que sais-je encore ? Train ivoirien de l’émergence
(Trie) ; Groupe d’action pour la candidature unique d’Alassane Ouattara
(Gracu-Ado) ; Monasco ; Club des maires ; Force 2015, etc. On prône la
candidature unique, mais on ne peut pas s’unir pour parler d’une même
voix. Pour quelle raison ? Relisez encore le texte d’il y a 9 ans, une
des réponses, sans doute la seule, s’y trouve.
Sous Bédié, Gbagbo, hier ; aujourd’hui, Ouattara, doit-on
encore assister à ce spectacle navrant ? Alors, de grâce, sortons des
tics du passé pour vivre, vraiment, au tempo de l’émergence en
mobilisant nos énergies pour des choses qui nous projettent. Pour le
bien de notre pays. Les Ivoiriens savent faire la part des choses, entre
ceux qui rêvent grand pour leur pays et ceux qui rêvent petit, loin des
actions opportunistes des opportunistes que l’histoire de notre pays
nous donne à voir.
La Régionale / Michel KOFFI
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