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mardi 8 juillet 2014

Emergence à l’horizon 2020 Faut-il rêver avec le chef de l’Etat ?


Le vocabulaire des ivoiriens s’est enrichi depuis l’accession du président Alassane Ouattara au pouvoir en 2011, d’un nouveau mot : émergence. Le chef de l’État nourrit l’ambitieux projet que d’aucuns trouvent d’ailleurs utopique, de faire de la Côte d’Ivoire à l’orée 2020, un pays émergent. Mais au-delà du slogan, que renferme ce thème et quelle appréhension en a l’ivoirien lambda ?

Le président de la république, Alassane Dramane Ouattara jure presque la main sur le cœur depuis qu’il a accédé au pouvoir qu’il fera de la Côte d’Ivoire un pays émergent d’ici à 2020. Cette « obsession » a fait tilt dans les mœurs ivoiriennes puisque « émergence » ou « émergent » sont désormais des mots à la mode dans le vocabulaire des ivoiriens. Au-delà de l’effet de mode, il est bon de se demander si l’ambition de l’économiste et financier Alassane Ouattara est légitime ou réalisable tellement les adversaires politiques du chef de l’État tournent son projet en dérision quand ses fanatiques qui ne jurent que par lui sont persuadés qu’il y parviendra. « Les pays émergents sont des pays dont le PIB (produit intérieur brut) par habitant est inférieur à celui des pays développés, mais qui connaissent une croissance économique rapide et dont le niveau de vie ainsi que les structures économiques convergent vers ceux des pays développés » peut-on lire dans le dictionnaire. Pour faire simple, on va dire que qu’un pays émergent est un pays sous-développé mais qui tend par ses performances économiques notamment vers le développement dont il est à mi-chemin. Cela, contrairement au pays développé. Devenir émergent suppose à priori gagner en niveau de vie grâce à l’amélioration de ses agrégats économiques que sont essentiellement le taux de croissance et le produit intérieur brut (PIB). La question est donc de savoir si la Côte a véritablement les moyens d’atteindre en 6 ans maintenant, ce cap que lui fixe son président. Etienne, tendant vers la quarantaine, titulaire d’un BTS en gestion mais exerçant pour l’heure dans le domaine juridique, n’y croit pas un traitre-mot. Modéré et aux antipodes des militants ultra-nationalistes fervents de l’ancien président Laurent Gbagbo, Etienne est convaincu que le projet du chef de l’État est une gageure, voire un leurre. « Vous êtes vous-même dans ce pays et vous voyez les réalités du terrain, pensez-vous vous-même que cela soit réalisable ? » nous rétorque-t-il avant de décocher une flèche. « Les routes que le régime actuel est en train de construire, ce n’est pas ce que l’on mange et de plus, pour la plupart, ce sont des projets qui datent de l’ère Gbagbo » lâche-t-il au bord de l’exaspération. Mlle Camara Bintou, moins de la trentaine et gérante d’un magasin de pagnes du côté de Yopougon Toits-rouges, n’abonde pas dans le même sens qu’Etienne. «  Adophile » (fanatique du président Alassane Ouattara), elle supplie presque de croire au projet de son champion, persuadée qu’elle est que tout ce que ce dernier se transforme en or. « Bravetchê va y arriver, croyez-moi, il sait de quoi il parle et n’oubliez pas que qu’il est banquier, il sait de quoi il parle » avance-t-elle souriante à souhait. Après s’être mis d’accord sur la définition du PIB, à savoir que c’est la valeur totale de tous biens et services dans un pays donné, au cours d’une année donnée, de la croissance économique qui n’est rien d’autre que la variation positive de la production de biens et services dans une économie sur une période donnée, ainsi que du taux de croissance, autrement dit, le taux de variation du PIB, écoutons Mamadou Koulibaly, économiste, leader de parti politique et ex président de l’assemblée nationale. « Dans le discours actuel, il revient très souvent que le gouvernement ivoirien envisage de partir d’une économie traumatisée, pauvre et très endettée pour arriver à ce qu’il appelle une économie émergente en 2020. Ce discours est sans cesse repris par les différents membres gouvernement au point que certains finissent par le croire … »peut-on lire dans un article publié par AFRIQUE en2013. Et dans lequel il poursuit pour dire que « nombreux sont ceux qui se posent la question de savoir comment leur pays fera pour devenir une économie émergente en 2020, dans 8 ans seulement ? ….elle qui est présentée à l’heure actuelle comme une économie PPTE  (pays pauvre très endetté) ? ». Autant donc dire que l’opposant et professeur d’économie ne croit pas du tout à l’émergence puis qu’il enfonce le clou en affirmant que « sans entrer dans les subtilités, retenons qu’une économie PPTE du genre de la Côte d’Ivoire a terminé l’année 2011 avec un taux de croissance de -5% du PIB alors qu’une économie émergente comme celle de la Corée du sud, par exemple a eu dans la même période un taux de croissance du PIB de 3, 9%. Si la Côte d’Ivoire veut être émergente en 2020, cela veut dire qu’elle se donne 8 ans pour atteindre les performances d’une économie comme celle de la Crée du sud. En un mot, le président de LIDER estime que parler d’émergence en 2020 relève de la propagande et il conclut sa démonstration par « …toujours en se fondant sur l’hypothèse optimiste d’un taux de croissance de 9% en Côte d’Ivoire pour l’année 2012, le modèle mathématique de dynamique économique nous dit qu’il faudrait au moins 20 ans pour être émergent. Soit en 2032. …Il est donc que la société civile et les populations ivoiriennes restent en éveil et demandent des comptes aux dirigeants du pays de manière à ne pas sombrer dans l’attente béate d’un renouveau qui ne repose sur rien. L’émergence ne se décrète pas politiquement, elle se construit économiquement » tranche sentencieux le bouillant Mamadou Koulibaly. Qu’à cela ne tienne, Bamouni Dj ne démord pas pour autant. Toute juste lettrée, elle a une foi inébranlable en l’avenir avec Ado et pour elle il ne faut retenir qu’une chose par émergence : la richesse qui s’annonce pour bientôt. A la vérité, les mentalités doivent y être pour quelque chose pour atteindre le niveau des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du sud) dans l’émergence. Et les paroles de Venance Konan plaident dans ce sens lorsqu’il fait allusion à l’impératif de la bonne gouvernance. S’extasiant devant les infrastructures marocaines et citant un de ses interlocuteurs lors d’un voyage au Maroc, il avance « il ne faut pas rêver. Il y a les pays d’Afrique du nord, qui jouent peut-être dans la même équipe que l’Afrique du Sud d’un côté, et nous de l’autre côté …. Si nous voulons vraiment prendre le chemin de l’émergence, et si nous voulons vraiment y arriver en 2020, nous avons intérêt à mettre le paquet sur l’éducation dès maintenant….il faudra comme on le fait au Maroc (qui n’est pas encore émergent NDLR) que nous donnions envie aux investisseurs de choisir notre pays plutôt qu’un autre… ».

La Régionale / Touré Arouna

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