Dimanche, deux personnalités ont tenté de se déclarer aptes
à prendre les commandes de la transition. Pendant ce temps, Isaac Zida continue
de consulter.
C'est un sauve-qui-peut général, un chaos frénétique, un
mouvement de panique qui déferle sur les rues de Ouagadougou. "Faites
demi-tour", "Ça chauffe en ville", "Ça tire à la RTB",
crient des habitants, juchés sur leur moto-taxi ou tentant de manœuvrer leur
voiture pour s'éloigner de la radio-télévision nationale, au centre de la
ville. Les vendeurs de rues replient leurs marchandises et, vision improbable,
un homme s'enfuit à cheval, au galop. Ce sont des tirs de sommation de l'armée,
mais les violences des derniers jours, dont témoignent les bâtiments brûlés et
pillés de l'hôtel Azalaï et de l'Assemblée nationale, ont de toute évidence
marqué les esprits.
Dimanche matin, l'opposition avait convoqué une
manifestation qui, modeste au départ, n'a fait qu'enfler. La capitale du
Burkina Faso a ensuite été le théâtre d'une mauvaise comédie. En quelques
minutes, deux personnes ont tenté de s'y proclamer président du pays, en direct
depuis la télévision nationale. Le premier est le général retraité Kouamé Lougué,
dont la foule avait scandé le nom la semaine dernière sans qu'il réagisse à ce
qui ressemblait à un plébiscite. Une fois assis dans le studio et alors qu'il
s'apprêtait à annoncer qu'il prenait les rênes du pays, il en a été délogé par
des manifestants furieux. Car ceux-là attendaient une autre aspirante à la
présidence. Sanan Sérémé, membre de la coalition de l'opposition et dirigeante
du Parti pour le développement et le changement (PDC), était, elle aussi, venue
annoncer qu'elle offrait ses services à la nation. La confusion générale l'en a
empêchée, même si c'était désormais son nom que la foule scandait. C'est alors
que l'armée a tiré pour disperser les manifestants.
"Diviser pour mieux régner"
Le Burkina Faso ne sait donc plus à quel président se vouer.
Vendredi, le général Nabéré Honoré Traoré, ancien chef d'état-major, avait dit
prendre les rênes de la transition, mais le même jour, le lieutenant-colonel
Isaac Yacouba Zida, 49 ans, déclarait que les propos de Traoré étaient
"caducs". "J'assume les responsabilités de chef de la transition
et de chef de l'État", avait-il ajouté. Samedi, l'armée l'adoubait, dans
un communiqué signé par Traoré lui-même. Mais la plupart des partis
d'opposition refusent de soutenir cet ancien commandant en second du régiment
de la sécurité présidentielle de Blaise Compaoré, le président déchu. Il leur
faudra cependant se mettre d'accord : le Burkina Faso compte 32 partis
d'opposition, et Zida en a rencontré 25 dimanche soir. "C'est une des
plaies de notre démocratie, soupirait Norbert Michel Tiendrebeogo, venu
représenter le Front des forces spéciales. Cela a peut-être été suscité par le
chef de l'État qui est parti, c'est diviser pour mieux régner."
La coordination ne semble, en effet, pas être le fort d'une
opposition morcelée : "Personne ne savait que Saran avait l'intention de
se proclamer présidente, témoigne Philippe Ouédraogo, ancien ministre de
l'Équipement sous Thomas Sankara et député. Pourtant, nous nous connaissons
bien, les partis d'opposition se rencontrent chaque semaine depuis mai
2013." Ce lundi matin, Zida doit rencontrer des diplomates étrangers, puis
se rendre à une nouvelle réunion avec les partis d'opposition. Mais dimanche
soir, il a réaffirmé sa volonté de mener le régime de transition. L'armée semble
bien avoir confisqué le soulèvement d'un peuple, qui n'a pas l'air de vouloir
le lui laisser...
lepoint.fr
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